Hommage à Dominique Chapuis

ominique Chapuis, architecte, enseignant TPCAU pendant près d’une trentaine d’années à l’ENSAG, nous a quittés le 22 décembre dernier. Dominique aura marqué l’histoire de l’école et en particulier l’enseignement du projet, au travers du parcours de master « Les pensées du projet » qu’il avait mis en place à partir des années 2000 et dans lequel il a cherché à replacer le processus de conception dans un substrat critique et théorique, au-delà d’une approche purement intuitive ou seulement créative.

Dès le départ de cette aventure didactique, il a voulu ouvrir de façon collégiale ce recentrage sur la théorie pour et par le projet, en rassemblant une équipe d’enseignants de l’ENSAG dont Jean-Pierre Durand, Yves Sauvage, Georges Carpintieri, Philippe Deletraz, Guy Depollier, Dominique Putz, Anne Coste, Magali Paris, Céline Bonicco et bien d’autres …, confirmant ainsi cette dimension critique forcément commune et partagée de l’acte du projet.

Pour Dominique, l’enseignement comme la pratique professionnelle, constituent le creuset d’une culture architectonique puisant dans l’histoire des formes (des édifices, de la ville) mais aussi dans les postures théoriques des architectes, les éléments de sa régénération permanente nécessaire « au passage à l’acte » du projet. C’est d’ailleurs sur cette base qu’il avait initié une recherche sur le type, le modèle, la figure, qui constituent encore aujourd’hui une des marques didactiques du master, avec comme objectif de donner la pertinence théorique la plus grande à la décision formelle traduite dans le projet.

Il y avait aussi chez lui cette volonté (souvent intransigeante) d’atteindre l’évidence du projet, à travers « l’unicum de sa forme », en tant que matérialisation spatiale de l’intention théorique première. Et quand la forme ou la figure rencontrent le site pour le révéler, nourri par ses deux années vécues en Bolivie et ses nombreux voyages, Dominique parle alors d’irréfragable évidence : « Si une architecture peut tendre vers l’évidence, on a plus de chance de la rencontrer dans les multiples expressions du vernaculaire, précisément quand la forme et le récit se conjuguent parfaitement. » www.lames.archi, 2019.

Nombre d’entre nous, anciens étudiants et enseignants de l’ENSAG, sauront reconnaître cette marque de fabrique ou cette attention à la « forme juste » ou à la « forme forte » (cf. livre de Martin Steinmann) qu’il n’avait de cesse d’insuffler à l’école dans son enseignement mais aussi à l’extérieur à travers les réalisations de l’agence d’architecture Chapuis-Royer, co-dirigée avec sa compagne Christine Royer architecte, ancienne responsable de la formation HMONP à l’ENSAG.

Personnage charismatique, il aura participé à la formation de nombreux jeunes architectes, à la fois comme praticien au sein de l’agence Chapuis-Royer (Jean-Pierre Vettorello, Catherine Peysson, Valérie Cargnel, Ludovic Brenas, Stéphane Delfino, Catherine Romeyer, Jean-David Chatenet, Gabriel Ducrocq, Alice Flavigny, …), mais aussi comme enseignant du projet à l’ENSAG. Philippe Deletraz aura été un de ses plus proches collaborateurs au sein des différents studios « Chapuis », ainsi que Guy Depollier, aujourd’hui responsable du parcours de master « Les Pensées du Projet ».

Dominique Chapuis ou tout simplement « Chapuis » comme il était dénommé, restera pour beaucoup d’entre nous l’exemple d’un architecte / enseignant ou d’un enseignant / architecte, pour qui pensée et pratique du projet architectural sont indissociables, avec in fine peu de différence entre le monde de l’école et celui de l’agence, avec les mêmes ingrédients indispensables à cette recherche d’une évidence qui n’est jamais explicite à l’avance : l’histoire de la ville et de l’architecture, le site et son paysage (ou le réel au sens large), la ville, la représentation par le dessin et la maquette, le voyage, la critique permanente.

Pour illustrer ce parcours d’architecte / enseignant, une liste non exhaustive de quelques réalisations marquantes de l’agence Chapuis-Royer que tout un chacun peut découvrir ou redécouvrir :

• Le restaurant universitaire Diderot sur le campus de St Martin d’Hères
• L’extension de l’Institut des Sciences Politiques de Grenoble à St Martin d’Hères
• La médiathèque et la salle polyvalente de Montbonnot
• L’opération de logement Habitat – Quartier Hoche à Grenoble
• Immeuble de logements ZAC de Bonne à Grenoble
• L’ensemble de logements Avenue Jean Perrot à Grenoble
• La maison de la Musique à Meylan
• La médiathèque de Domène
• Le collège et lycée du diois à Die 26
• La médiathèque de Die 26
• La médiathèque de Nyons

Une citation de l’architecte Luigi Snozzi qui illustre assez bien la posture didactique de Dominique : « Ne fuis pas tes responsabilités, occupe-toi de la forme, en elle tu retrouveras l’homme. »
Luigi Snozzi – Aphorismes 1975

Repères biographiques :

• naissance à Grenoble en 1949
• diplômé de l’Ecole d’Architecture de Grenoble en 1976 dans l’atelier de Nicolas Ragno
• coopérant en Bolivie de 1976 à 1978
• création de l’agence Chapuis-Royer en 1985
• membre de la MIQCP (mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques)
• début de l’activité d’enseignement du projet en 1988 en 1ère année au sein d’un collectif d’enseignants rassemblés par Jean Pierre Durand, dont certains constitueront avec Chapuis le master « les Pensées du projet »
• titularisation MCF TPCAU en 2005
• création du master « Les Pensées du Projet » en 2003
• départ en retraite de l’ENSAG en 2014
• passation de l’agence Chapuis-Royer en 2020

Jean-Pierre Vettorello, Sonia Doucerain, Jean-Pierre Durand, Guy Depollier. 

Lire le portrait de Dominique Chapuis paru en mars 1990 dans la revue d’architecture AMC